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Conséquences horticoles du Covid : du global au local, réalités et illusions

Jamais par le passé, les tendances qui ont fait évoluer les filières horticoles dans le monde, n’ont été chamboulées avec une telle brutalité. Pour les acteurs de cette pandémie inédite, après la sidération et l’effondrement, la reprise en main et la résilience ont été à la mesure de la violence du choc. De nouvelles solutions émergent, des alliances se concrétisent, les tendances de consommation déjouent tous les pronostics, et le végétal cultivé sort indéniablement grandi de cette épreuve.

 

Quels enseignements tirer de cette crise ?

Le premier principal enseignement de cette crise est que rien n’est assuré, rien n’est garanti et que tout peut basculer en un temps très court. En décembre l’épidémie s’est déclarée en Chine, mais c’était loin la Chine. Quand l’épidémie a gagné le monde et s’est transformée en pandémie, c’est d’abord l’incrédulité qui a prévalu. Puis, quand les gouvernements ont pris les mesures de confinements, c’était la sidération, la panique et l’abattement : que va-t-on faire des plantes et fleurs prêtes à vendre ? Sans chiffre d’affaires comment va-t-on pouvoir payer nos charges ? Doit-on continuer à planter ? Combien de temps cela va-t-il durer ? Les questions étaient d’autant plus importantes que pour bon nombre de catégories de végétaux, c’était juste le début de la très forte période de vente. Si les entreprises d’avant la crise n’avaient pas l’habitude d’intégrer de scénarios catastrophe dans leur stratégie, elles vont maintenant le faire.

Le deuxième principal enseignement, c’est notre capacité de mobilisation dans l’adversité. Une fois passé la courte période de sidération et d’abattement, les responsables d’entreprises horticoles de production et de distribution ainsi que les responsables de nos structures d’accompagnement (Val’hor) se sont mobilisés et ont réagi avec rapidité et efficacité. Dès la mi-avril les points de vente des enseignes de jardinerie ont pu de nouveau ouvrir au public, des aides ont pu être débloquées rapidement, la chaîne s’est remise en route. L’esprit de concertation s’est développé entre les différentes filières horticoles européennes, et cet esprit restera comme un élément positif de cette crise.

Le troisième principal enseignement : les consommateurs ont pris d’un seul coup conscience de la nécessité végétale. Cette crise a été comme un révélateur de tendances sous-jacentes, mais elle a aussi déclenché beaucoup de nouveaux changements et des modifications d’habitudes pré-existantes. Le confinement a fait prendre conscience à la majorité d’entre nous du besoin de végétal, pour humaniser notre espace de vie et de télétravail, pour faire entrer la nature dans la maison, pour calmer notre stress et notre angoisse. Les plantes d’intérieur ont doublé leur chiffre d’affaires sur le mois d’avril, les plantes potagères et plantes de balcon, terrasse et jardins ont rattrapé en avril/mai/juin le chiffre d’affaires perdu en mars.

Internet a joué un rôle prépondérant dans la conquête de nouveaux consommateurs de végétal, par l’accès à l’information, par l’accès aux disponibilités, par les tutos en ligne, pour la concrétisation de cette nécessité végétale. Ces nouveaux consommateurs sont la contrepartie positive de cette crise inédite. Ils sont attentifs à la production locale, mais ce serait une illusion de croire qu’ils vont le rester s’il n’y a pas d’action forte pour leur permettre de concrétiser leurs envies.

Les conséquences de la crise sont variables selon les segments de marché et selon les régions du monde. Indéniablement, le segment des fleurs coupées a le plus souffert de la pandémie, des tonnes de fleurs ont été jetées sur les marchés aux enchères en Hollande, au déchargement des avions en provenance d’Afrique de l’Est et d’Amérique centrale les fleurs partaient directement à la benne, et les commandes étaient brutalement annulées provoquant la destruction des fleurs fraîchement récoltées sur les lieux de production. Les compagnies aériennes n’ayant plus ce fret ; elles l’ont remplacé par le transport de masques en provenance d’Asie. Cette rupture brutale d’approvisionnement sera la plus dure à résorber, car bon nombre de clients en Europe se posent des questions en se tournant à nouveau vers la production locale (Quand elle existe encore…).

Le segment des plantes à massif de printemps pour les balcons, terrasses et jardins a connu pendant trois semaines un arrêt total des ventes qui a provoqué de lourdes pertes et qui a désorganisé les productions pendant plus d’un mois et demi, mais heureusement, les ventes de mai, juin et même juillet sont reparties très fort. Les fortes demandes, avec les nouveaux consommateurs, et le peu de disponibilité à la vente ont rapidement fait monter les prix, comblant même parfois le retard accumulé.

Le segment des végétaux de pépinières et plantes vivaces est moins touché, la capacité des pépiniéristes à retarder une culture, à la passer en plus gros litrage, à stocker sans trop de dégâts, a permis à ces entreprises de mieux résister. Cependant, ce qui n’a pas été vendu occupait de l’espace, au détriment des jeunes plantations, et qui est donc maintenant disponible en moins grand nombre. De ce fait, les prix sont restés soutenus.

Selon les régions de production mondiales, les conséquences sont très variables. Certains pays comme la Hollande, l’Allemagne, la France, le Danemark, la Grèce ont soutenu leurs filières par des aides spécifiques, grâce à l’action concertée des organismes d’accompagnement comme Val’Hor en France. D’autres pays n’ont eu que les aides à l’emploi du régime général comme soutien. D’autres pays producteurs n’ont bénéficié d’aucune aide. Ce sont principalement les pays producteurs de fleurs coupées qui ont souffert, mais aussi les multiplicateurs de jeunes plants et boutures destinés aux producteurs Européens et cultivés en Amérique centrale et en Afrique.

Pour les producteurs d’Equateur, de Colombie, du Guatémala, mais aussi pour les pays d’Afrique de l’Est, Ethiopie, Kenya, c’était la double peine : pas d’aide financière, plus de logistique aérienne. Beaucoup de fleurs transitent par les vols de passagers et ceux-ci ont considérablement diminué. Les avions cargo de fret se sont tous tourné vers le transport de matériel de sécurité sanitaire. Ces productions de fleurs avaient déjà des réputations environnementales et sociales sulfureuses, elles auront beaucoup de mal à revenir à la situation pré-covid. Un boulevard pour la production naturelle et locale, mais là encore, sans action de communication forte pour accompagner la tendance, il serait illusoire de croire qu’elle va se maintenir toute seule.

 

Quelles orientations, quelles actions mettre en place à l’avenir ?

Plus forts ensemble. Ce qui ressort aussi très clairement de cette période, c’est la force de la coopération et du travail en commun. Dans tous les pays concernés par la production ou la consommation horticole, les entreprises adhérentes aux coopératives, groupements de producteurs, organisations solidaires de vente ont mieux tiré leur épingle du jeu que les entreprises isolées et indépendantes ; à l’exception de quelques rares entreprises non adhérentes dotées de réserves financières importantes.

Pour que le soufflé ne retombe pas, il va falloir mettre en place une promotion générique mutualisée et concertée, principalement avec les autres pays de l’UE. Mutualisée et concertée signifie qu’il va falloir renforcer les contacts entre les différentes organisations horticoles européennes, participer aux débats et aux décisions, accepter de participer au financement, et relayer les messages avec cohésion depuis l’obtenteur jusqu’au point de vente au détail, par tous les moyens médias disponibles. Comme pour les gestes barrière, mais autour de la nécessité végétale.

La Cité verte ou « Green city » montre déjà l’exemple avec une communication qui a commencé il y a quelques années et qui se diffuse maintenant à travers toutes les professions, devenant un passage incontournable de tout projet immobilier. Et il y a bien d’autres axes de communication qui peuvent profiter à tous les maillons de la filière, comme par exemple : le fleurissement d’automne, qui serait bienvenu pour étaler le chiffre d’affaires sur deux périodes : printemps et automne. L’importance du végétal comme solution environnementale devrait aussi devenir un axe de communication fort. Maintenant que nous avons éveillé l’intérêt de nouveaux consommateurs, (entre 16 et 22 millions aux USA depuis le début de la crise corona), il ne faut plus les lâcher.

A contrario, le Brexit nous montre ce qui n’est pas souhaitable. Le Royaume-Uni a beaucoup à perdre en sortant de l’Europe sur le plan horticole. L’envie d’indépendance montre déjà ses limites. Que le Brexit soit dur ou négocié, le gouvernement anglais a décidé des taxes à imposer sur les produits en provenance d’Europe, 8 % sur les fleurs coupées. Cela va-t-il vraiment favoriser les producteur locaux anglais ? Non, les structures de production ne sont plus en mesure d’assurer l’autonomie en approvisionnement de fleurs coupées et les anglais ne pourrons jamais trouver chez eux le main d’œuvre nécessaire après avoir limité l’immigration. Avec l’augmentation des taxes douanières et des coûts logistique, les produits seront nettement plus chers dans un contexte économique de réduction des dépenses des consommateurs.

 

Comment développer / fidéliser les nouveaux consommateurs, nouveaux marchés nouvellement captés lors de la crise sanitaire ?

Les espoirs déçus sont les principaux risques de ne pas pouvoir capitaliser sur l’engouement de tous ces nouveaux adeptes du végétal. Il faut donc impérativement les accompagner via tous les écrans qu’ils consultent quotidiennement pour ne pas les perdre définitivement. Il faut leur réapprendre les saisons, la nature, et le comportement avec les plantes, toutes les possibilités offertes par l’utilisation des végétaux.

Les messages doivent être simples, facilement compréhensibles, répétés et bien accompagnés sur les lieux de vente. C’était déjà bien le cas avant, mais depuis le début de la crise corona, le consommateur ne prend plus de décision sans consulter son écran. Il faut donc y être et y être efficace.

La logistique doit être vertueuse, performante et fiable. Les seuls produits locaux ne suffiront pas à faire la largeur de gamme attendue. Il faudra donc mixer les produits locaux bien identifiés, qui ont la faveur du public, avec des produits venus d’ailleurs. Les contraintes croissantes de transparence de l’empreinte carbone des produits et de l’approche logistique va obliger les sources concurrentes à se concerter pour une amélioration significative de la supply-chain et ces contraintes vont aussi obliger les acteurs à afficher les provenances. Dans le domaine logistique aussi, la solution passe par une concertation et mutualisation des différentes provenances.

Les échanges de points de vue et la concertation entre les acteurs sont indispensables. Pour des raisons évidentes de sécurité sanitaire, tous les salons professionnels horticoles en Europe ont été ajournés dans leur version B2B physique. Toutes les organisations sont en train de mettre en place des salons virtuels. Il est essentiel d’y participer. La rupture d’échange et de concertation serait gravement préjudiciable à la reprise et au développement des nouveaux marchés qui s’installent. Visiter un salon en pyjama, derrière son écran en sirotant son café, ça ne paraît pas sérieux, car nous n’y sommes pas encore habitués. Et pourtant, il est très important de rester connecté, d’écouter et de participer aux échanges et tables rondes, de rendre visite virtuellement les exposants qui jouent le jeu, d’écouter les présentations de leurs nouveautés et introductions récentes. Il ne faut pas rater la marche, car l’évolution ne s’arrêtera pas, et si vous zappez les salons virtuels, il vous manquera une étape au moment de la mise en place de votre prochaine saison.

Comme les gestes barrière ont pu s’imposer en très peu de temps grâce à une communication omniprésente, le végétal vital et viral doit être présent dans toutes les têtes.

 

Brand Wagenaar

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