Parole d’expert – Samuel Bonvoisin
Samuel Bonvoisin
Fondateur de l’association « Pour une hydrologie régénérative »
Ingénieur agronome de formation, installé dans la vallée de la Drôme et spécialisé en agroécologie et agroforesterie, Samuel Bonvoisin conseille et forme les entreprises et les collectivités sur l’hydrologie régénérative. Il intervient également en tant que conférencier pour sensibiliser les publics sur cette approche.
1// Le végétal a besoin d’eau, et l’eau est une ressource à préserver, maîtriser, économiser…. On pourrait croire que végétal et préservation de la ressource en eau s’opposent. Vous n’êtes pas de cet avis. En quoi le végétal est source de solutions dans la préservation / régénération de la ressource en eau ?
Dire que le climat va influencer le végétal et la présence du végétal, c’est voir que la moitié de l’image. Pour bien comprendre les différentes interactions, il faut d’abord savoir, qu’à l’échelle planétaire, les deux tiers des pluies continentales sont générés par le sol et la végétation. C’est ce que nous appelons l’eau verte, c’est-à-dire, l’eau issue de la transpiration des végétaux et l’évaporation des sols.
En expliquant cela, nous comprenons que si nous retirons la végétation et que nous modifions les paysages, nous créons des déserts. Le végétal et l’eau fonctionnent de concert. Plus nous avons de végétaux, plus nous aurons d’eau.
Mais nous ne devons pas nous contenter de planter des végétaux. Il faut porter notre réflexion sur les écosystèmes pour rendre les actions efficaces. Le végétal fait partie de la stratégie de régénération, à condition de le penser dans un ensemble eau /arbres-végétaux / sol, en lien également avec la topographie des lieux. Pour cela, la conception est la clé de voûte du dispositif. Nous avons vu des conceptions végétales qui ont permis d’avoir un impact immédiat sur la régénération de l’eau parce que l’aménagement avait été pensé et réfléchi.
L’hydrologie régénérative s’appuie sur la science de la conception, de l’aménagement et non sur des solutions techniques isolées et toutes faites. C’est une réflexion dans le temps, évolutive en lien avec les écosystèmes pour atteindre un résultat final.
Enfin, pour comprendre la nécessité des végétaux dans la régénération de l’eau, il faut parler d’une bactérie, incroyable, aux pouvoirs magiques, présente depuis toujours sur les végétaux et indispensable dans le cycle de l’eau verte : la bactérie Pseudomonas syringae. Elle peuple et se reproduit sur tous les végétaux. Elle est essentielle, puisque c’est par son intermédiaire que les pluies liées à l’eau verte se déclenchent. Elle joue le rôle de déclencheur biologique et est responsable de la quasi-totalité des pluies continentales. Sans
végétaux, cette bactérie ne peut pas se développer et la pluie ne peut pas tomber.
2// Cette année, le Salon du Végétal met en place un « Pôle Arbre(s) », un espace à part, entièrement consacré aux arbres (expositions et conférences). Qu’en pensez-vous ? Quel est votre avis sur le fait d’aborder cette thématique sur un pôle dédié ?
C’est important de parler de l’arbre. On ne sait plus vraiment ce que veut dire vivre avec les arbres. Nous constatons que l’arbre a aujourd’hui un usage utilitaire et ornemental, de loisir et de détente. On ne se rend pas compte à quel point il organise notre environnement et impacte la biodiversité qui nous entoure.
Pour moi, il y a deux aspects fondamentaux. Un aspect en lien avec le passé et la nécessité de redécouvrir toutes les interactions que nous avons connu avec l’arbre. Et un aspect tourné vers le futur où nous devons dépasser la vision du jardin simple, pour passer au jardin-forêt, une vision 3D, avec l’arbre qui occupe une place essentielle. On peut parler de rugosité des paysages, c’est-à-dire des paysages avec différentes strates, différents végétaux, différentes tailles, différentes fonctions. Dans ce schéma l’arbre à un rôle central.
Donc c’est un grand oui pour un Pôle Arbre(s), à condition de garder en tête la notion d’ensemble et d’assemblage de végétaux.
3// Vous interviendrez au Salon du Végétal 2024 sur une conférence « Si on cultivait l’eau ? ». Quel message souhaitez-vous faire passer aux visiteurs et exposants qui seront présents ?
Soyez curieux et faîtes preuve d’humilité face à la nature, pour découvrir ou redécouvrir ce qui s’y passe. Le vivant, et plus particulièrement le végétal, se sont organisés et façonnés depuis des millions d’années pour influencer le climat. Regardons comment ce vivant, fascinant, fait pour évoluer et s’adapter. Il doit être une source d’inspiration et de solution.